On le dit discret, voire secret, pourtant c’est sans hésiter que le réalisateur Patrice Leconte a accepté de parler de l’association Pour un Sourire d’Enfant (PSE).
On connaît le réalisateur, l’homme réfléchi et posé, on connaît moins l’homme de conviction et d’engagement, et pour cause ! Pour Patrice Leconte, l’engagement n’a de vraie valeur qu’actif, impliqué, en l’absence de toute ostentation. Or, de son aveu même, s’il fait montre de sa générosité en soutenant diverses associations : « son engagement pour PSE, c’est un autre histoire ! »
En vous racontant la trajectoire de Christian et Marie-France des Pallières à l’initiative de cette aventure humaine, enthousiasme et émotion se mêlent. C’est sans doute qu’il revoit en les évoquant les images du Cambodge qui l’ont lui-même marqué à jamais. Le documentaire qu’il a réalisé sur PSE retrace ce que cette aventure a « d’unique au monde, peut être pas, mais d’unique c’est certain ».
Comment un cadre supérieur dans l’industrie est capable un jour après un voyage au Cambodge, de tout vendre, de tout laisser derrière lui pour une autre vie auprès d’enfants inconnus et délaissés ; et après quelques années de construire à partir d’une paillote au bord d’une décharge une entreprise humanitaire internationale, une ville dans une ville, dans l’environnement si particulier de ce pays ? C’est cela « l’œuvre sublime » de PSE.
S’il est plus qu’admiratif de la manière dont ces gens ont été frappés par une évidence face à la situation intolérable qu’il leur a été donnée de découvrir, Patrice Leconte à son tour s’est trouvé en résonnance avec ce pays, il y a onze ans, alors qu’il visitait son frère cadet à Phnom Penh. « Ce qui me bouleverse, ce qui me retourne ce sont les gens. Et aucun pays ne m’a ému comme le Cambodge. J’y ai vécu des émotions inouïes, effarantes, inédites »
Au Cambodge, selon lui, il y a une forme de gaité, de joie, de lumière, mais au fond des visages, notamment dans les regards des enfants, on devine une cicatrice si profonde qu’il faudra encore beaucoup de temps pour qu’elle s’estompe. Une cicatrice assez terrible et fataliste qui donne le sentiment que ce pays avance encore au ralenti. C’est ce fatalisme qui l’a infiniment marqué et auquel il ne pouvait rester insensible.
« Je ne supporte pas l’idée qu’un enfant soit malheureux »
PSE qui se consacre particulièrement à la scolarisation et la formation des enfants ne pouvait que toucher cet homme qui ne « supporte pas l’idée qu’un enfant soit malheureux ». L’Occident, selon lui, doit se rendre compte qu’elle est globalement privilégiée. Elle ne doit pas en avoir honte, elle doit juste se dire qu’il y a des gens qui n’ont pas cette chance. Et si son nom peut servir à cette prise de conscience qu’un petit geste peut permettre de grandes choses, alors Patrice Leconte aura partie gagnée.
Simple artisan de bonne volonté dans une aventure qui le dépasse, avec sa caméra, il s’est laissé guidé par la spontanéité immédiate et sans fard des enfants, par l’innocence de leurs frimousses, de leurs étonnements et de leurs sourires. Sans caméra cachée, sans voyeurisme, il a saisi au gré de ses voyages des images parfois difficiles. Mais c’est l’optimisme et le positivisme des enfants cambodgiens qu’il nous montre, en cela fidèle à l’association qui se refuse à la présentation de toute image choc pour attirer sur elle des regards misérabilistes.
« Prenons conscience que nous sommes des privilégiés, arrêtons de nous plaindre. »
Pour l’heure, l’engagement de Patrice Leconte auprès de PSE, c’est l’animation d’une formation audiovisuelle récemment mise en place, avec la perspective peut-être un jour de voir renaître ce cinéma cambodgien qui s’est perdu dans les méandres de l’histoire du pays, Et de conclure : « Les grandes choses ne peuvent se faire qu’avec l’énergie d’un homme, d’une femme et d’individus susceptibles de renverser des montagnes. J’ai la chance d’avoir fait, avec Christian et Marie-France des Pallières, une rencontre qui me tire vers le haut ».
Christophe Ragué
Bios croisées
- 1978 : Les Bronzés font connaître Patrice Leconte au grand public
- novembre 1989 : à l’unanimité l’AG de l’ONU approuve les droits le l’enfant
- 1990 : Prix Louis-Delluc pour Le mari de la coiffeuse
- octobre 1995 : Christian et Marie-France des Pallières découvrent la décharge de Stung Meanchey à Phnom Penh (Cambodge)
- mars 1996 : création de PSE Pour un Sourire d’Enfant, association loi 1901
- 1997 : César du meilleur réalisateur et du meilleur film pour Ridicule
- 2000 : PSE reçoit le prix des Droits de l’Homme de la République Française
- 2004 : les chemins de PSE et de Patrice Leconte se croisent
- 2005 : Patrice Leconte devient parrain de PSE
- 2015 : PSE s’organise autour d’une vingtaine d’antennes en France et huit à l’international. Son action lui permet de prendre en charge plus de 4500 enfants en scolarisation ou en formation professionnelle et de distribuer plus de 9000 repas quotidiennement